Patrick Lefèbvre, photographe portraitiste à Namur

S'inspirer d'une oeuvre classique, et réaliser une photo personnelle

Pour moi un premier "travail" dans le cadre de ma toute fraîche inscription aux Beaux-Arts : réaliser une photographie qui se suffise à elle-même mais parle et/ou réponde à une autre obligatoirement issue de l'oeuvre d'un grand photographe.

Préalable

Ma jeunesse a été bercée par nombre de photographies de grands noms dont les images m'ont marqué: Robert Doisneau, André Kertész, Brassaï, Félix Nadar, Henri Cartier-Bresson, Jacques Henri Lartigue, Jean-Eugène Atget, Jeanloup Sieff, Louis Daguerre, Lucien Clergue, Raymond Depardon, Sarah Moon, Jean-François Jonvelle, Guy Bourdin, David Hamilton, Peter Lindbergh, Bill Brandt, Irina Ionesco, Helmut Newton. Et puis ceux d'outre-atlantique comme Ansel Easton Adams, Erwin E. Smith, Irving Penn, Man Ray, Richard Avedon, Robert Adams, Robert Capa, Robert Mapplethorpe, Victor Friedman, William Klein,...

Dans l'immédiat, je n'ai ni les moyens ni les contacts qui me permettent de réaliser les images auxquelles je rêve, ce style qui m'interpelle et auquel j'aimerais m'essayer : celui d'Helmut Newton.

Réalisation

Mais par ailleurs Namur, ma ville, vit la pleine effervescence des Fêtes de Wallonie. C'est l'occasion de réaliser des instantanés de rue et des "peintures" de la ville dont les maîtres ne manquent pas. Je retiendrai Doisneau, Cartier-Bresson et Brassaï. Et je me replongerai dans leurs univers, pour m'en imprégner.

L'instant décisif

Ma première quête, au gré de mes déambulations dans notre belle ville de Namur, sera de répondre à une magnifique image d'Henri Cartier-Bresson, laquelle illustre ce que l'on a appelé "l'instant décisif", ce moment vraiment très bref, cette fraction de seconde saisie dans une composition magistrale. Le défi est de taille!

 
Henri Cartier-Bresson, illustration de "l'instant décisif"

Aussi j'arpenterai rues et ruelles - quatre jours durant et en toute sobriété malgré les innombrables tentations et rencontres festives - à la recherche de mon sujet, de cet instant décisif...

Par définition cet instant surgit évidemment toujours quand on ne l'attend pas, quand bien même on s'y est préparé. Dans la foule les gens bougent pas mal et donc je dois opter pour une vitesse d'obturation assez rapide. Mais par ailleurs je ne sais à quelle distance surgira mon sujet et je dois opter pour une ouverture de diaphragme qui me laisse un zone de confort en termes de netteté car je n'aurai pas nécessairement le temps d'une mise au point correcte. Donc à chaque changement de luminosité des endroits qui m'accueillent je modifie la sensibilité (ISO) du capteur de mon appareil.

Mon instant décisif, chaque image a une histoire

C'était sans compter sur le fait que la lumière changeant très rapidement selon les endroits "mon" instant décisif allait évidemment se produire... avant que je n'aie eu l'occasion d'adapter la sensibilité à la faible lumière de cette ruelle étroite!

A quelques pas de la place du Marché aux légumes, sur les marches de pierre d'une entrée de l'église Saint-Jean-Baptiste, au vu de tous et sans aucune précaution de discrétion un "junkie" se prend deux rails de coke sous le regard amusé d'un comparse. Je ne suis pas prêt, je tiens mon appareil contre ma cuisse pour à la fois me faire discret et le protéger tant l'ambiance est "chaude" dans l'endroit. Pas question de shooter ça me dis-je, trop risqué si l'un d'eux me remarque!

Et puis cet enfant tenant la main de sa mère, intrigué, se retourne subitement sur la scène...

Et c'est "mon" instant décisif : je cadre furtivement et je déclenche!

Patrick Lefèbvre, "mon" instant décisif

Afin de conserver l'anonymat des deux jeunes hommes je rendrai volontairement flous leurs visages.

Analyse

La superposition des images n'a pas pour but de les comparer, car il ne s'agit ni d'un plagiat ni d'un pastiche. Mettons tout de suite les choses au point: ma photographie n'a pas le poids de celle de Cartier-Bresson, je n'ai pas son talent.

Par contre cette manoeuvre sacrilège permet de mettre en évidence les similitudes et points communs.

Superposition de compositions

• dans les deux photographies, un des points forts de l'image se situe au même endroit: le visage de l'enfant et le cycliste
• le cycliste, comme mes personnages de gauche, se dirigent dans le même sens, et s'apprêtent à sortir de l'image par la gauche
• l'élément le plus important en taille, situé au premier plan, soit mon personnage principal de droite, est placé au même endroit que l'escalier et la balustrade de l'image de référence
• on retrouve dans les deux images des lignes qui fuient et/ou convergent dans le même sens

 En conclusion

Des photographies certes très différentes, et j'aurais pu les rapprocher encore en optant dans la mienne pour des tonalités de gris plus froides, mais une composition avec bien des points communs et l'illustration de ce fameux "instant décisif".

Un exercice réussi puisque rappelons-le, le travail était de "réaliser une photographie qui se suffise à elle-même mais parle et/ou réponde à une autre obligatoirement issue de l'oeuvre d'un grand photographe"