Je viens de le dire : le regard !
Dès lors rien de plus logique et construit que j'invite souvent mes modèles à un regard droit et franc vers l'objectif.
Une sorte de confrontation, comme un défi d'introspection réciproque: "Tu me vois, là. Mais moi aussi je te te regarde !"
Me trouvant récemment sur une terrasse j'avais remarqué cette jeune femme, au regard souriant qui communiquait une joie de vivre, un grand bonheur. Une belle jeune-femme, peut-être. Je ne me souviens pas plus précisément. De très beaux yeux, en tous cas, cela je m'en souviens ! A ses côtés, son mari, son amant, son petit-ami... ? Très bel homme. Photographe, je ne regarde pas que les femmes.
Le temps d'une demi-cigarette elle a remarqué que je l'observais avec une certaine insistance.
Et puis là m'a lancé un : "On se connait ?"
Je ne vous dis pas ma surprise, tant trop souvent la réaction est agressive voire vulgaire. Et dans ce cas "je décroche" bien vite: si je peux accepter la grossièreté (temporaire et réactive) je ne supporte pas la vulgarité (permanente et triste défaut d'éducation).
Ma réponse ? Un "Non", et des excuses simples et sincères. Et puis dans la foulée une justification : "Je suis photographe, et votre regard a retenu mon attention"
Elle : "Je pourrais être mannequin, votre modèle ?"
Moi: "Assurément, bien certainement que vous le pourriez !"
L'autre moitié de la cigarette venait de se consumer, et le temps de leur tourner le dos pour y déposer dans le cendrier ce qu'il en restait... ils avaient disparu !
Une très belle et furtive rencontre.
Par trop furtive, certes.
Ma timidité et mon respect de l'autre me freineraient-ils ?
Jamais je ne pourrais être "photographe de rue", quand bien même je suis très sensible aux phénomènes sociétaux, et à "ces regards là".